La Destination n'est pas la Destinée (2)

Publié le par lodicee

Pour construire les changements et mobiliser les individus autour, l’organisation, et les dirigeants à sa tête, doivent s’appliquer à « une meilleure répartition du pouvoir entre le sommet et le management intermédiaire »[1] lui permettant de « refuser de n’être que le maillon hiérarchique qui reçoit des instructions du siège. »[2]

En donnant plus d’autonomie au management de proximité, celui-ci pourra interagir avec les individus du groupe plus rapidement, plus souplement, l’autorisant à adopter une « gestion [plus] perméable »
[3] du quotidien. Cette autonomie a une contre partie pour le management ; c’est la responsabilité.

La responsabilité et le courage : celui « de dire la vérité, de prendre des risques et de les assumer, de prendre des décisions impopulaires dans l’immédiat »
[4], et toujours dans l’échange et le partage avec l’ensemble des individus, condition sine qua none du maintien de la légitimité à la tête du groupe pour le management.
Cette légitimité, qui dépasse le simple cadre du charisme et qui fait que la destination de l’ensemble, prime sur la destinée d’un seul. C’est dans une démarche d’humilité que doit s’engager le management, en gardant à l’esprit la phrase de Ken Blanchard :

« Il y a une question cruciale que vous devez sans cesse vous posez : Suis-je un leader qui sert ou un leader qui se sert ? »
[5]

Les notions d’anticipation et de leadership sont intimement liées, par le rayonnement qu’elles apportent à celle ou celui qui les pratique, par la capacité à réunir ce qui est épars pour fédérer un groupe d’individus.
Pour paraphraser Pierre Rosanvallon : « [Manager] signifie d’abord rendre le monde intelligible, donner des outils d’analyse et d’interprétation qui permettent aux [individus] de se diriger et d’agir efficacement. »
[6]

Servir plutôt que se servir ! Et que sévir ! Le management coercitif ou incantatoire a vécu (pas d’angélisme de ma part, il vivra encore dans la tentation d’un management courtermiste, emmené par un individu qui confond puissance et pouvoir !).

Parce que, dans les organisations,  les individus ne suivent plus aveuglément l’oracle, qui sera près à les sacrifier sur l’autel de l’EBITDA
[7] , ou le prophète, qui à coups de prédictions auto réalisatrices[8] leur donnent un destin tout tracé, ils choisissent, voire ils exigent, de plus en plus de participer à leur propre aventure.
La manipulation peut toujours exister, bien sûr, et la frontière est mince tant les relations humaines sont imprégnées de complexité : prendre par la main et se prendre en main, cette dualité continuera d’exister dans les organisations.

Le défi du management du 21ème siècle est pourtant là, se préparer au « dé-management, [… et pour les individus], leur défi sera d’apprendre à manager la ‘petite entreprise de soi-même’. »[9]


[1] Paul Pinto : L’entreprise moderne a besoin  de leaders – Article paru dans La Tribune du 19 Juin 2007
[2] Muriel Jasor : ING Direct France : un style multiculturel – Article paru dans Les Echos du 29 Juin 2007
[3] Raymond Vaillancourt : Le temps de l’incertitude, du changement personnel au changement organisationnel – Presses universitaires du Québec – 2005 – p.60
[4] Bernard Julhiet : Le courage managérial, une valeur montante – Article paru dans La Tribune du 05 Mars 2007
[5] Ken Blanchard, Mark Miller : Comment développer son leadership, 6 préceptes pour les managers – Editions d’Organisations – Paris 2005 – p.34
[6] Pierre Rosanvallon : La contre-démocratie, La politique à l’âge de la défiance – Editions du Seuil – Paris 2006 – p.313
[7] Définition EBITDA : Earnings before Interests, Taxes, Depreciation and Amortization, ou en français dans le texte, Revenu avant Intérêts, Impôts, Dotation aux Provisions et Amortissements
[8] Sur le concept de prophétie ou prédiction auto réalisatrice, il est possible de consulter l’ouvrage de Jean-Pierre Dupuy : Le catastrophisme éclairé, Quand l’impossible est certain – Editions du Seuil – Points Essais n°517 – p. 161 à 172
[9] Nicole Aubert : L’odyssée du management – Article paru dans Le Nouveau Courrier –Février 1996 – p.76 à 78 – Le terme dé-management est John Case, qui entrevoit que dans « l’entreprise de plus en plus dématérialisée,  le talent du gestionnaire consistera essentiellement à faire émerger et gérer des savoirs et savoir-faire, la valeur se situant désormais dans la matière grise et l’intelligence ajoutée ».

Publié dans Leadership

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